INITIATION à LA QABALAH

Le Cantique des Cantiques

Sources du Chant, un Peu d'Histoire

"Rabbi Yossi commença ainsi: le roi Salomon fut inspiré pour composer le Cantique des Cantiques quand le Saint Temple fut bâti et que toutes les sphères supérieures et inférieures se complétèrent en une seule entité... et le Saint Temple était bâti comme une réplique du Saint Temple d'En Haut. Quand le Saint Temple fut bâti en bas, il n'y avait pas eu d'aussi grande joie devant le Saint béni soit-il depuis le jour où le monde fut créé" (le Zohar).

D'après la Tradition, le Cantique des Cantiques serait l'oeuvre poétique de la jeunesse de Salomon, et il aurait été chanté pour la première fois lors de l'inauguration du Temple de Jérusalem. D'après les spécialistes, ce poème aurait été écrit, il y a environ vingt cinq siècles, soit cinq siècles après la construction du Temple. Pour une partie du texte, les mots et les expressions utilisés seraient archaïques et peu usuels et une cinquantaine de mots seraient spécifiques au texte du Cantique. La syntaxe serait également particulière, voire défectueuse par rapport aux règles connues. Ces défauts et l'incertitude sur le sens de certains mots expliquerait en partie le nombre particulièrement important des interprétations. Par contre la répétition de certaines expressions, la forme poétique du texte et son sujet seraient conformes aux écrits du Moyen-Orient à l'époque de l'Exil de Babylone (-5è/6è siècle).

D'après la Qabalah, si le sens immédiat est un beau chant d'amour entre un roi et une bergère, le sens allégorique ferait allusion aux rapports entre Israël et l'Eternel, le sens mystique concernerait l'édification future du Troisième Temple, celui des Temps messianiques, le sens secret restant à déchiffrer par chacun de nous. Controversé, le Cantique des Cantiques n'entra dans le canon biblique que sous l'impulsion de Rabbi A'qiba (1er- 2ème siècle) qui proclama d'abord que "celui qui module sa voix pour chanter le Cantique des Cantiques dans des banquets et rend ce chant profane, n'a pas de part au monde à venir", puis annonça "l'univers entier n'a pas autant de mérite que le jour où le Cantique des Cantiques fut donné à Israël, car toute l'Ecriture est sainte, mais le Cantique des Cantiques est l'Ecrit le plus saint".

Ainsi depuis l'an quatre-vingt-dix et le concile de Yavneh, ce chant fait partie des vingt-quatre livres de la Bible hébraïque. Il est universellement reconnu comme un chant d'une grande poésie. Quoiqu'attribué au roi Salomon, lui-même initié aux mystères célestes, le texte est traditionnellement considéré comme d'inspiration divine.

Le chapitre 6 a attiré l'attention des Sages qui ont décelé que le regroupement des premières lettres de tous les mots pouvait constituer d'autres mots ou des expressions ayant un sens caché (procédé connu sous le nom d'acrostiche et appelé notarikon en qabalah).

Néanmoins, le Cantique des Cantiques demeure le seul livre de la Bible dont l'interprétation libre est autorisée, et il existe des dizaines sinon des centaines d'approches de croyants et de non-croyants de toutes les religions, tant le texte est beau et riche, dense et difficile à pénétrer au-delà du sens immédiat. Pourquoi tant d'énergie déployée pour un chant qui se suffit à lui-même, un chant d'amour inspiré et écrit avec les images et les métaphores de l'époque et de la région? On peut penser qu'en scrutant le texte, celui qui est en quête se rapprocherait de sa nature merveilleuse et transcendante, ou qu'il veuille l'habiller de religiosité ou de décence s'il le considère trop osé, voire érotique. Mais il semble que la multiplicité des interprétations vienne de la difficulté de restituer dans une langue étrangère un hébreu ancien, autorisant aussi bien les rêveries que les divagations.

Les annotations suivantes ont été relevées lors de l'Assemblée des Officiers ministériels anglais à Westminster, au dix-septième siècle: "Il n'a pas échappé aux lettrés combien l'obscurité du Cantique des Cantiques a été relatée, et combien la grande variété des interprètes et des interprétations qui ont essayé de l'éclairer, mais avec si peu de succès, qu'ils ont épaissi le nuage au lieu de le chasser" (source: Encyclopedia Judaica).

Aujourd'hui, le Cantique des Cantiques est lu ou chanté dans les synagogues le samedi de la Pâque et, dans certains rites, le vendredi soir, entre la Pâque et la Pentecôte, et dans d'autres, tous les vendredis soir.

Albert SOUED – octobre 1988

Suite: début du dévoilement du Cantique