INITIATION A LA QABALAH

Commentaires du Chapitre 3 de Séfer Yetsirah

Chapitre 3 verset 1

Les chapitres 3/4/5 sont consacrés à l'analyse des trois catégories de lettres annoncées aux versets 1.2 et 2.1, les trois lettres mères, les sept lettres redoublées et les douze lettres simples.

Le chapitre 3 est consacré aux lettres mères et commence par répéter ce qui est dit au début du précédent chapitre, deux plateaux d'une balance, portant l'un le débit, l'autre le crédit, comme dans une comptabilité, le fléau indiquant de quel côté et de quelle ampleur la balance penche (cf le chacal Anubis pesant l'âme du décédé, à travers ses bonnes et mauvaises actions, avant de l'envoyer dans le néther ou dans le néant). Ce fléau est une "langue acérée", la langue de la loi!

"Mém" est du côté de la miséricorde ou du crédit, "shin" est du côté de la rigueur et "aleph" est situé entre les deux et décide de quel côté il fait pencher la balance.

On trouve le verbe décider ou "kharaa'" dans tous le syllogismes de ce livre. Une analyse sémiologique donne khaf=soupeser avec la paume de la main et réyaa'=pensée, dessein. Décider ou "kharaa'" équivaut donc à "peser" sa pensée dans un but précis!

Chapitre 3 verset 2

Les trois lettres mères cachent en fait un mystère. D'après la qabalah de Louria, la création du monde à travers les 32 sentiers de la Sagesse a commencé dans le chaos du "tohou", où le nom attribué au divin était composé des trois lettres mères, aleph, mém, shin. Emesh a pour sens "avant hier", "sombre" et désigne ainsi un passé obscur. En effet, dans ce monde du tohou, les séfirot étaient autonomes et ne communiquaient pas entre elles. D'après cette Tradition, il y eut d'abord un "tsimtsoum", "rétraction ou limitation du divin" pour créer le monde, acte considéré comme tenant de la rigueur ou du jugement. En parallèle, l'émanation de la lumière originelle a créé des vases-séfirot pour recevoir cette lumière; concomitant du premier, cet acte tient de la miséricorde. Dans cette émanation de lumière, le flux ou l'épanchement ne pouvait pas trouver une mesure adaptée aux vases récepteurs qui ne communiquaient pas entre eux. Les six vases inférieurs ou "anneaux" se brisèrent (désastre appelé "shévirat haqelim") et les écorces ou "klipot", image du Mal, appelé aussi "Autre Côté" ou "sitra ah'arah" commencent alors à agir. Ces écorces étaient tapies au fond de l'espace rétracté, mais étaient inactives; elles se mélangèrent aux étincelles de lumière répandues par la brisure et s'activèrent.

Ce n'est que lors de leur réparation (tiqoun), que les vases se groupèrent en "partsoufim" (faces ou représentations), reliés les uns aux autres, chaque vase étant émetteur et récepteur. Ainsi les séfirot inférieures se regroupèrent en deux faces, dont l'une est appelée "tsai'r anpin" ou "microprosope". Elle contient les six séfirot abîmées (héssed, gvourah, tifeéret, netsah', hod et yéssod). Cette face est dite masculine et elle est complémentaire de l'autre face qui ne contient qu'une seule séfirah "malkhout". Celle-ci est appelée "nouqvah" ou femelle, car elle est l'image de la shékhinah, la présence divine proche de l'humanité.

A ce niveau d'évolution, les lettres du nom divin changèrent et mém donna naissance à yod (l'eau engendra le germe!), shin à hé (le feu ou l'énergie entraîna le souffle!) et aleph, l'unité muette, mâle et femelle, libéra le waw qui y était contenu et qui reliait ces deux aspects, le lien diagonal entre les deux branches du aleph; comme si celui-ci libérait un lien qui aurait été prisonnier, une "force de liaison". Ces lettres du tétragramme sont appelés "pères".

A titre indicatif pour les scientifiques, on peut assimiler la lettre yod à la gravité, la lettre hé à la force nucléaire (le hé avec la grande jambe avant, à la force forte; le hé avec la petite jambe avant, à la force nucléaire faible!) et waw à la force électromagnétique.

C'est ainsi que les "mères ont engendré les pères", puis l'univers dans son ensemble, à partir de la lumière originelle, "ayn sof or".

Dans la construction de l'Arbre de Vie, "mém/aleph/shin" qui provient du feu originel (méesh) est l'image de l'horizontalité réceptive; il croise "yod/waw/hé", image de la verticalité créative, pour former trois lignes de niveau et trois colonnes. Cet entrecroisement tisse des mots et des phrases, la matière et l'énergie, le dessein et la volonté pour "former" l'univers connu.

On remarquera que les "pères", c'est à dire les trois lettres du tétragamme connu, sont considérés comme créatifs dans le monde intermédiaire rectifié, eux qui sont issus des "mères", lettres du nom divin initial dans le monde chaotique tohou, lettres réceptives et fécondes. Les pères vont engendrer progressivement tout le reste de l'univers.

Chapitre 3 verset 3

On retrouve ici la terminologie du verset 2.2. qui décrit la "calligraphie" des lettres hébraïques pour les deux premiers verbes, et qui donne les trois règles herméneutiques de valorisation, de permutation et de transposition des lettres, pour les trois derniers verbes. Et ceci dans les cinq dimensions, trois pour l'espace représenté par l'univers (o'lam, dont une très grande partie est voilée), une pour le temps dont l'image est l'année (shanah, qui change), une pour la vie éthique dont le symbole est l'âme androgyne (néfesh, âme végétative et basique qui concerne tout ce qui est créé, de l'homme jusqu'au règne minéral).

L'être humain traverse le temps et l'espace dans le but de réunir les deux aspects mâle et femelle de son âme. Son corps traverse l'espace librement, et parcourt le temps à un rythme prédéfini et il est prisonnier de l'esprit; seule son âme est libre d'évoluer dans toutes les dimensions.

Chapitre 3 versets 4/5/6

Ce trois versets vont décliner la création des éléments à partir des trois lettres mères, à travers les dimensions décrites ci-dessus.

Dans le monde, le ciel vient du feu, le terre vient de l'eau et l'air vient du souffle (voir au chapitre 1, le rapport de ces éléments aux séfirot).

Dans l'année, il y a trois saisons marquées, la chaleur estivale qui est issue du feu, le froid hivernal qui est issu de l'eau et le tempéré qui est issu du souffle et qui correspond à l'équilibre intermédiaire du printemps et de l'automne.

L'âme androgyne habite les trois parties du corps, la tête assimilée au feu, le ventre assimilé à l'eau et la poitrine, intermédiaire, assimilée au souffle de la respiration. En effet, l'équilibre entre l'esprit et l'instinct peut naître d'un bon exercice de respiration.

Cette subdivision du corps en trois parties serait en relation avec les trois alliances, celle de la langue, celle du cœur et celle de la circoncision, alliances dont le but est éthique (voir chapitre 1).

Sur le plan psychanalytique, on peut assimiler la tête ou le feu à la conscience ou même à un excès de conscience par rapport à la norme (surconscience géniale frôlant la manie), le ventre aux entrailles humides, à l'eau, à l'inconscient et à l'ombre, à l'absence de sensations de la dépression. La poitrine ou le plexus apparaissent alors comme des passages intermédiaires de l'équilibre et de la communication.

On peut étendre ces comparaisons et ces syllogismes à divers aspects de la vie courante. Aussi, avec ces trois versets et partant des trois lettres "mères", le narrateur a couvert un champ très large de la Formation de l'univers.

Chapitre 3 versets 7/8/9

Ayant bien travaillé, ces mères sont maintenant couronnées d'un tag, signe d'un mouvement vers le haut (à ne pas confondre avec le tag graffiti, signal d'une dégradation vers le bas), c'est à dire rattachées à la séfirah supérieure "kéter", qui baigne déjà dans l'esprit divin, mais qui est néanmoins hors du divin.

D'après la Tradition, si on veut fabriquer un golem mâle on place les lettres mères dans l'ordre aleph/mém/shin, la miséricorde du mém étant protégée par les deux autres lettres (le shin du feu et de la passion étant à l'extérieur) et le mém des eaux maternelles, évoluant vers le germe yod, donne "ish", l'homme. Si on veut fabriquer un golem femelle, on place les lettres mères ainsi, aleph/shin/mém, en enserrant la rigueur du feu et de la passion; ici le mém des eaux maternelles évolue vers le souffle hé et donne "ishah", la femme. Le Talmud dit "l'homme a la passion extérieure, chez la femme, elle est intérieure". Maintenant si on veut effacer le golem, on place les lettres selon shin/mém/aleph, en inversant les lettres pour obtenir le nom de l'unité (shem aleph).

LES LETTRES MÈRES

 

Niveau d'appréhension

ALEPH

MEM

SHIN

Physique

air

eau

feu

Cosmique univers

année

âme

Souffle (atmosphère)

Demi-saison -tempéré

Tronc (cœur)

Terre

Hiver-froid

Ventre

Ciel

Été-chaud

Tête

Éthique

équilibre

obligation

mérite

Linguistique (permutation lettres)

Mâle

Femelle

alef/m/sh

alef/sh/m

m/alef/sh

m/sh/alef

sh/alef/m

sh/m/alef

 

 

Sens des anagrammes obtenus par permutation des lettres (tsérouf)

Alef/m/sh: obscurité, nuit, descente dans les ténèbres, la nuit dernière

Alef/sh/m: faute, culpabilité, crime, ruine et dévastation

M/alef/sh: (en provenance) du feu

M/sh/alef: charge, fardeau, créance, usure

Sh/alef/m: car si…

Sh/m/alef: peut-être

Sur le plan cosmique, les trois déclinaisons sont les suivantes:

440

 

Albert SOUED - mars 2001

Suite: commentaires du chapitre 4