INITIATION A LA QABALAH

Commentaires du Chapitre 6 du Séfer Yetsirah

Chapitre 6 verset 1

On aborde dans ce dernier chapitre une synthèse de l'ensemble des notions analysées dans les cinq premiers chapitres. Le début du verset est similaire à 3/2. On a une succession d'engendrements à partir des trois mères (émesh): trois pères et leurs engendrements (éléments air-eau-feu), sept planètes et leurs armées et douze arêtes-limites diagonales (cf les 12 diagonales du dessin de l'Arbre de Vie vu en 1/2).

Ce sont les témoins de la subdivision adoptée depuis le début en espace-temps-âme, l'être humain étant né dans le doux écrin arrondi de l'espace-temps et étant régi par la règle des nombres "12-7-3". Ces nombres sont maintenant rapprochés du trio "dragon-sphère-cœur", notions neuves dans le livre, mais que nous avons déjà abordées à propos des lettres mères, aleph, mém, shin.

Le dragon ou "téli" est une galaxie particulière représentant l'univers des galaxies et du mouvement spirale. Sur le plan biblique dans Genèse 27/3, Jacob demande à Esaü de "prendre son "téli"", son épée, son carquois ou ce qui est suspendu…?, mot provenant de la racine "taw-lamed-lamed" ou talal, suspendre. Ne s'agit-il pas d'une forme spirale à laquelle le monde est suspendu? Job & Isaïe parlent d'un serpent ondulé et d'un serpent droit, l'un étant femelle, l'autre étant mâle. Selon la qabalah, "téli" se situe dans le Ciel appelé "Wilon", résidence d'anges saints et purs, initiés au mystère divin. La valeur numérique 440 de téli est équivalente à "tam", complet, parfait et aussi à "téhilah", la louange (à ne pas confondre avec tahalah, folie, profanation).

La sphère "galgal" résume le temps, car c'est le cycle de la révolution d'une planète autour de son étoile. C'est aussi le mouvement circulaire ou elliptique, fermé, comme un double "gal", une double ondulation. Le cercle donne une sphère en tournant.

D'après Ezéchiel 10/2, Galgal est la sphère des h'ayot ou chérubins et représente le niveau de l'ascension mystique, appelé univers de la "formation". Il s'agit du niveau prophétique, celui de la surconscience.

La valeur numérique 66 de galgal donne l'équivalent "loul" ou colimaçon, poulailler, ce qui suggère un certain enfermement dans un ensemble en spirale.

Le cœur "lev" est un "roi qui maîtrise l'âme", de valeur numérique 32. Si le cœur est bien disposé, ses 32 sentiers mènent sur le chemin du divin. Et ce cœur est unique, car particulier à chacun, et pourtant appartenant à une même source. L'unique yah'id de valeur 32 est un équivalent du cœur, lev.

Au moment de la révélation du Sinaï, la montagne s'est embrasée jusqu'au "cœur" du Ciel (Deutéronome 4/11-12). Le cœur s'embrase au contact du souffle divin. S'embraser se dit "lahav" ou le souffle "hé" au sein du cœur "lev".

D'après la Tradition de la qabalah, les trois notions "téli, galgal et lev" ont pour acronyme "tagel" ou réjouis-toi! Elles sont aussi principalement constituées des deux lettres ghimel et lamed, gal, mouvement vers le haut, par l'étude lamed.

Sur l'Arbre de vie, Téli correspondrait au trio H'okhmah-Binah-Daa't, Galgal serait au niveau de Netsah'-Hod-Yesod, et Lev serait au niveau intermédiaire de H'essed-Gvourah-Tifeéret. En transposant au niveau humain, on peut considérer que les trois triades correspondent successivement à la tête, au ventre et à la poitrine (cœur). On peut procéder à d'autres corrélations (voir tableau).

Chapitre 6 verset 2

Ce verset est similaire à 2/1 et à 3/4 et décrit les interrelations entre les trois mères (émesh) et les trois pères (éléments).

Chapitre 6 verset 3

Pourquoi comparer la spirale galactique à un roi sur son trône (kissé)? Comme l'œil du cyclone, le centre de la spirale a une vision de son monde ou des limites de ses bras comme un roi avec ses sujets. Le trône "kissé" est aussi le contenant (kos) de l'unité "aleph".

Le roi est au centre de la sphère du temps, à l'intérieur du cycle de l'année, comme à l'intérieur de la cité. Le roi est aussi au centre de notre cœur, champ de bataille entre le bon et le mauvais penchant, entre des désirs, des sentiments et des pulsions contradictoires. Et qui nous aide à trancher?

Chapitre 6 verset 4

Ce verset est d'ordre éthique, puisqu'il développe l'idée d'un combat mené au sein du cœur par l'âme de l'individu. Au verset 1/5, l'analyse des séfirot a déjà introduit la dimension éthique qui est développée ici.

L'homme ordinaire ne comprend pas pourquoi le mal sévit dans ce monde et surtout pourquoi le créateur, qui veut le bien, laisse le mal se développer. Cela n'a rien d'un mystère: comme la lumière ne peut être perçue ou reconnue comme telle que si l'obscurité existe, le bien n'est concevable que par rapport au mal. Imaginons un univers créé sans le mal; on n'y saurait pas ce qu'est le bien. Cela serait un monde dangereux qui pourrait globalement basculer dans le mal, sans que personne ne s'aperçoive. Dans le monde de la dualité, la lutte pour le bien permet d'écarter le mal, ou mieux encore "jeter au mal un os à ronger pour l'occuper" est souvent une sauvegarde.

Il est plus facile de sombrer du bien dans le mal que de s'élever du mal vers le bien. Le retour ou téshouva est plus rare que la chute de l'Autre Côté. L'exagération des pulsions ou l'exaspération des sentiments, la colère ou l'impatience entraînent la chute. Il faut un événement marquant ou une main secourable pour amorcer le Retour.

Selon le Psaume 73/28, la proximité de D., dans le sens de sa connaissance, est le bien suprême. Connaître D. c'est aussi maintenir une distance dans la proximité, une juste distance, déterminée par la crainte du Créateur. C'est le sens du Psaume 111/10 "le début de la Sagesse est la crainte de D."

De même le Psaume 17/15 est l'explication du fait que le bien est réservé à ceux qui l'ont pratiqué puisque ceux-là jouiront de l'éclat de la lumière divine "quant à moi, puissé-je, grâce à ma droiture, contempler ta face et, à mon réveil, me rassasier de ta vue!"

Cette vision n'est pas une récompense mais le but d'un processus de recherche dans le "connaître D."

Chapitre 6 verset 5

Ce verset revient sur les nombres 3-7-12, avec de nouvelles explications, pour s'assurer que le lecteur a bien compris. On répète l'exégèse, mais d'une façon un peu différente; la répétition est la vertu de l'enseignement biblique. Ainsi la Bible répète 48 fois le précepte de pratiquer le shabat et 48 fois celui de l'interdiction de l'idolâtrie.

Trois est l'image du syllogisme, la thèse, l'antithèse et la synthèse. Au tribunal le procureur accuse, l'avocat défend, le juge tranche. Dans sept, il y trois doublets et un centre, image des deux triangles opposés du sceau de Salomon.

Douze c'est la vie dans ce monde, c'est à dire un combat de survie, une lutte contre la haine et contre la mort, pour pouvoir vivre et aimer. Douze, c'est 3x4 subdivisions liées à des organes du corps.

Amour: le cœur et deux oreilles. Entendre des mots doux qui parlent à votre cœur, et voilà que celui-ci s'embrase.

Haine: le foie, la vésicule biliaire et la langue. Le foie est avide de nourriture et il filtre le sang en gardant ce qui est lourd et haineux. La vésicule est avide d'une colère qui lui permet de recycler son fiel jaune et après une bonne cuvée, la langue se délie et déverse tous les immondices accumulés.

Vie: les deux narines et la rate. Le premier souffle de la vie entre par le nez. Le rire est le moteur de la vie.

Mort: les deux orifices et la bouche. Le dernier souffle de la vie sort par la bouche. Et je vous laisse deviner pour le reste.

Et là, retour à l'unité du divin pour l'éternité…Le lieu divin est ici temporel, "mao'n".

Sur le plan mathématique les séquences 3-7-12, sont celles des trapèzes ou triangles tronqués dont la formule générale est

T=n(n+5)/2. Si n=1, T=3; si n=2, T=7; si n=3, T=12 etc…

De même les séquences 3, 10 ou (3+7), 22 ou (3+7+12) sont celles de prismes tronqués, dont la formule générale est

P=n(n+1)(n+8)/6. Si n=1, P=3; si n=2, P=10; si n=3, P=22, etc….

Chapitre 6 verset 6

On retrouve un verset similaire à 1.1 On peut placer les dix noms divins annoncés sur un Arbre de Vie, le lecteur arrivé à ce stade est en principe compétent pour le faire.

Tout ou presque est déjà formé. L'homme a été créé à l'image du divin, comme dans un miroir, pour poursuivre l'œuvre de la formation avec ses moyens. Mais on lui a donné aussi le pouvoir de déformer. A lui de choisir. Il y a néanmoins une voie de secours, celle du retour.

A la condition de s'y préparer longtemps à l'avance, de la même manière que certains pharaons préparaient leur vie dans l'au delà, dès l'âge de vingt ans, en construisant des temples et des pyramides. La Torah et le Séfer Yetsirah donnent d'autres outils et d'autres matériaux, pour que chacun puisse cheminer dans la voie de la connaissance du divin.

Ehyeh

yhwh élohim---------yah

élohim---------------el

yhwh

adonay tsévaot---------yhwh tsévaot

el shaday

adonay-yhwh

 

Chapitre 6 verset 7

Il s'agit du dernier verset du "Livre de la Formation" et en même temps sa signature (voir au chapitre 1, les versets 3-4-11-12-14). Dans ce verset, on note deux séries de sept verbes qui correspondraient aux sept séfirot inférieures. La première série de verbes concerne Abraham. Trois verbes sont liés à l'observation et à la réflexion, trois verbes sont consacrés à l'action et le septième juge le résultat, un succès. Dans la deuxième série de verbes qui concernent le divin, les deux premiers évoquent la ligature et la révélation et les cinq derniers précisent la manière d'utiliser les 22 lettres pour qu'elles puissent créer les éléments et les astres.

Par ailleurs les deux alliances, mentionnées avec l'image des dix doigts et des dix orteils, correspondraient à un aller et retour le long des dix séfirot de l'Arbre de Vie. Les alliances seraient aussi un cheminement mystique.

Abraham est une image du divin puisqu'il a fait acte de formation et même de "création" lui-même, en transformant des âmes dans la ville de H'aran.

Des idolâtres sont parvenus à la voie de la connaissance du divin. Au lieu de tailler et de graver des idoles en bois, métal et pierre, ils se sont munis des trois outils "s/f/r" pour calligraphier des "séfer torah", pour chanter des psaumes, pour permuter des lettres et former des sens nouveaux, pour raconter à leurs descendants l'histoire de la création et transmettre aux générations suivantes cette sagesse primordiale aux trente-deux sentiers baignant dans la rosée et les senteurs.

Pour les âmes qui en exprimaient le désir, Abraham leur a montré également la voie du Retour, malgré le vent de la tornade, malgré les nuages qui se sont amoncelés et malgré l'embrasement du feu.

D'après la tradition de la qabalah, Abraham serait non seulement l'auteur de ce livre mais également l'auteur d'un Golem créé à partir de l'enseignement qui y est caché, c'est à dire les permutations particulières du nom divin. Ils se basent sur l'épisode du repas offert par Abraham à trois anges dans la Genèse 18/6-8. Comme Abraham ne pouvait pas avoir offert un mélange de viande et de lait, la viande ne pouvait être qu'un produit artificiel, la viande d'un veau-golem! Abraham aurait donc vraiment "créé"!

Tableau de corrélations

Téli Binah Néshamah Feu
Lev Tifeéret Rouah' Air
Galgal Malkhout Nefesh Eau

 

 

Albert Soued – 29 avril 2001

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