LES SYMBOLES DANS LA BIBLE

LE SENS CACHÉ DES LETTRES HÉBRAÏQUES

MÉM

Mém est un signe qui vient du bout des lèvres.

Son dessin d'origine est l'image de l'ondulation des flots. Elle a deux formes: une forme arrondie et ouverte quand la lettre est au milieu d'un mot, une forme carrée et fermée en finale d'un mot.

D'après la Qabalah, le signe Mém ouvert est complet car prêt à recevoir, en attitude réceptive d'union des contraires ou des complémentaires. Le signe Mém fermé est incomplet, puisque, scellé, il ne permet pas d'union fructueuse.

Le signe Mém ouvert est l'image d'une fontaine jaillissante et limpide, d'un état conscient et révélé de la réalité. Le signe Mém fermé est un écoulement souterrain, image du subconscient non révélé et ces eaux souterraines se révéleront dans les temps messianiques. Leur sceau est assimilé au vêtement qui recouvre la lumière primordiale trop aveuglante. Ainsi, le carré du Mém fermé est le "confinement" de cette lumière pour son atténuation.

Le sens principal du signe Mém est l'eau, mot duel dans sa forme "mém-yod-mém": grâce au bras puissant Yod, les eaux sont séparées en eaux d'en Bas et en eaux d'en Haut. Un signe Mém est ouvert, l'autre est fermé. Une source est révélée, l'autre est close jusqu'à l'arrivée du Messie. Il en est de même des propos de la Torah qui sont assimilés à des eaux: les espaces bornés ou scellés de l'Ecriture (satoum en hébreu) signifient que le texte recèle un sens secret qui ne se révèle qu'à celui qui cherche et qui se révélera à tous aux temps messianiques.

Un autre sens de la lettre Mém est l'argent, la fortune, la matière inanimée. Dans le signe Mém ouvert cette matérialité n'est pas figée. Elle se transforme, elle est capable de recevoir et de donner, de se régénérer et de fertiliser.

La mort est "mawet" ou mém-waw-taw: le signe Mém fermé représente ici les eaux scellées dont un signe (taw) est la mort. Inversement, "tam" ou taw-mém signifie complet, parfait: la marque ou le trait dans les eaux primordiales a permis leur ouverture et la réalisation de l'Oeuvre créatrice.

Maqom ou mém-qouf-waw-mém est le lieu de la présence divine: entre les deux Mém, l'un fermé, l'autre ouvert, le rayon de lumière "qaw" émerge pour concrétiser la volonté du divin, après l'ouverture des eaux Mém (mayim). Maqom est le passage difficile de la matière transformée.

La valeur de la lettre Mém est quarante. Le déluge a duré quarante jours et quarante nuits, le temps de la purification d'une humanité impie (cf quarantaine). La traversée du désert des Hébreux a duré quarante ans, le temps de la maturation et de la réflexion d'un peuple pour atteindre le libre-arbitre et obtenir son unité. Moïse a attendu quarante jours le don de la Torah, le temps de se préparer à recevoir celle-ci, puis quarante autres jours de réflexion, après la transgression du Veau d'Or.

Sur le plan de l'espace, quarante coudées est la longueur du Sanctuaire du Temple de Salomon. Quarante séah est le volume d'"eaux vives" du bain rituel.

Duelle comme les eaux, la lettre Mém est capable de transformation. Ouverte ou fermée, elle peut évoluer et faire évoluer la matière ou les hommes.

NOUN

La quatorzième lettre de l'alphabet est obtenue par un mouvement de la langue contre le palais.

Comme le signe Mém, elle a deux formes: une forme fermée quand la lettre est au milieu d'un mot et une forme ouverte quand elle clôt le mot. Le signe Noun fermé est un réceptacle peu profond, un croissant de lune. Le signe Noun s'ouvre vers le bas verticalement. La forme d'origine est celle d'un reptile ou d'un poisson.

D'après la Qabalah, Noun ouvert est complet, à la fois masculin et féminin. Noun fermé est l'image d'un poisson en colère, borné, fermé sur lui-même. Noun ouvert n'autorise ni conclusion ni réduction: il éclaire dans les deux directions sans réserve, une lumière infinie. Noun fermé est un récipient limité et, de ce fait, a une capacité définie et mesurable. Conscient de cette pauvreté, il demeure un serviteur fidèle mais borné, une lumière contenue.

"Noun" est aussi le prétendant au trône, le futur roi ou prince, le second qui se prépare à régner. Noun est aussi le secret de la divine présence, la "Shékhinah", la résidente du Royaume dans l'Arbre de Vie. Perception du Nom, dans ses manifestations éphémères, Noun, par extension, est devenu la Connaissance universelle, éclairée et sans limites.

La lettre Noun a le sens de poisson. Le poisson est fertile, se multiplie et se perpétue facilement, mais il dégénère aussi par la tête et devient pourriture.

D'après la Tradition, Noun supporte et nourrit l'œil. Il est un écoulement de la lumière originelle. Ce signe est le symbole de la Connaissance primordiale oubliée. Une chance de l'appréhender est la "sortie", la rupture, l'ouverture des horizons. Précédé du Yod, Noun devient ainsi ''yinnon" ou yod-noun-waw-noun, désignation du Messie, celui qui croît et fructifie. Il désigne aussi le nom tétragramme du divin où le "Hé" est remplacé par "Noun". Ainsi le temps du Messie est celui de l'ouverture totale de Noun, le jour où la connaissance de Dieu sera répandue sur toute la terre.

Mais Noun est aussi la pourriture et la puanteur du poisson non consommé. La connaissance tournée uniquement vers la matière conduit à un état de démence dont l'odeur est celle du poisson pourri. On atteint là les limites du Noun fermé.

Voici quelques associations de lettres permettant de mieux comprendre le sens de Noun. Mém et Noun, lettres ouvertes et associées, donnent "man", ce qu'on a appelé la manne, substance étrange et nutritive qui tombait du ciel pour nourrir les Hébreux lors de la traversée du désert. "Man" a comme sens "quoi?", "qu'est-ce?", une interrogation, un questionnement: la manne est la "question" qui permet d'évoluer dans l'étude et de parvenir peut-être à la connaissance de soi et de la vie. Fermées et associées, les lettres Noun et Mém donnent "nam", le sommeil, l'ignorance qui sont une forme de mort. Ainsi, l'enfer "Guéhinam" signifie aller vers l'ignorance et la mort et le paradis "Gan E'den" a le sens d'aller vers et jusqu'à Noun, la connaissance universelle: les deux sites étant voisins, ils impliquent donc un mouvement dans la même direction.

De même, Noun associé à la lettre "H'et" signifie le repos et donne le nom de Noé ou "Noah'", noun-h'et. Abri voguant sur les eaux, l'arche de survie a sa porte fermée pendant le Déluge, comme le contenant Noun et le mur H'éth sont fermés le temps d'une maturation, d'une réflexion, soit quarante jours. Si cette halte se prolonge, elle se transforme en descente vers les abîmes. Inversement, la lettre H'ét est associée à Noun ouvert dans le mot "H'en", la grâce, la compassion, et ici le passage est ouvert à la connaissance.

La valeur de la lettre Noun est cinquante, le temps d'un jubilé, terme au bout duquel, le monde se renouvelle, le "monde à venir" se situant au bout de cinquante mille jubilés. Dans l'espace, cinquante est le nombre de portes qu'on doit ouvrir pour entrer dans la Connaissance de l'indicible, le nombre de voies différentes pour accéder à l'intelligence du divin. Noun est aussi le nombre de clés ouvrant la voie à la méditation des symboles, les lettres de la Torah.

Noun final a la valeur de sept cent, magnifiant l'accomplissement du sept.

 

Albert SOUED - décembre 1989

Prochaine conférence: les lettres samekh-a'yin

Retour à Cours et Conférences

Retour au Menu principal