LES SYMBOLES DANS LA BIBLE

LE SENS CACHÉ DES LETTRES HEBRAÏQUES

 

"Vingt-deux lettres de fondement. Il les a gravées et burinées. Il a combiné leur poids et les a interverties, et Il a formé selon elles tout le "formé" et tout le futur à former."

(Le livre de la Création -chap 2 par 2)

LES LETTRES SONT LES INSTRUMENTS DE LA CRÉATION

D'après la Tradition, les lettres sont les éléments constitutifs des vibrations de l'univers.

"Lorsque le Saint- béni-soit-il a créé son monde, il ne le créa qu'avec la Torah; et la Torah existait deux mille ans avant que le monde ne soit créé, ainsi qu'il est dit: "Je faisais ses délices, jour après jour" (Proverbes chap vers 30). Une tradition enseigne: "Quand la Saint-Béni-Soit-Il créa son monde, il disposa la Torah, comme il est écrit: "Alors il la vit et l'évalua, il l'apprécia et même la scruta" ( chap 28 vers 27); et il créa avec elle le monde, puis il la cacha, jusqu'à ce qu'il crée le premier homme à qui il l'enseigna, ainsi qu'il est dit: "Et il dit à l'homme: la crainte de Dieu voilà la Sagesse et s'écarter du mal, voilà l'Intelligence"

(Livre de Ruth du Zohar).

Dans l'ordre inverse, à partir de la dernière lettre "taw", qui signifie "le signe", les différentes lettres de l'alphabet se présentent successivement devant Dieu pour créer le monde. Il les écarte les unes après les autres, mais retient "bet", la deuxième lettre qui a la valeur deux, pour créer le monde. La Tradition enseigne que Dieu a fait de la lettre "bet" comme un coffre qui contiendrait un trésor et qui prit toutes les lettres avec lui pour créer le monde. Et celles-ci furent appelées "avant", parce qu'elles furent créées deux mille ans avant que ne soit créé le monde. Et c'est avec la Torah, appelée aussi "avant" que Dieu créa ainsi le Monde, la Torah étant un agencement particulier et secret des lettres contenues dans les différents noms divins.

Cette tradition de la création du monde avec les lettres de la Torah, notamment avec le "bet" qui initie et contient toute l'Ecriture, est rapportée par l'oeuvre maîtresse de la Qabalah, le Zohar ou Livre de la Splendeur.

La même tradition enseigne que, d'une part, les lettres sont des anges et que, d'autre part, à chaque âme sur terre correspond une lettre de l'Ecriture, chaque âme étant une lettre, et devant y trouver sa place. Ainsi d'après Aboulafia, "les lettres sont la racine de toute sagesse et de toute compréhension, sans nul doute, et elles sont par essence, la matière de la prophétie...elles sont perçues comme si des anges purs et vivants actionnaient leur mouvement, et les enseignaient à l'homme qui les permute par rotation, sous forme d'anges éthérés dessinant de leurs ailes, en volant, des formes circulaires, et elles ne sont rien d'autre que le "souffle du souffle"...ainsi après que les lettres prennent corps sous forme d'anges du service qui connaissent tout sur la science musicale... et c'est par leur voix que se révéleront les choses à venir, et les nouveaux procédés susceptibles de renouveler la science prophétique." (Extraits de "L'expérience mystique d'Aboulafia" par Moshé Idel- Edition du Cerf)

Mais âme et ange sont des entités distinctes qui ne se confondent qu'exceptionnellement dans "le Juste", l'âme du Juste devenant un ange.

Par ailleurs, graphismes évoluant dans le temps, les lettres sont des "signes" reflétant et influençant le psychisme de l'homme qui les dessine. Cette alchimie lente qui régit les rapports entre la pensée profonde de l'homme et son moyen d'expression favori, le dessin, a joué un rôle indéniable dans le contenu de la Qabalah, eu égard à la création de l'Univers et à son évolution. La lettre serait le matériau de base aussi bien de l'univers matériel que de l'univers immatériel des anges et des âmes. Dans de nombreuses traditions, on retrouve ces liens étroits entre la recherche mystique et la calligraphie par exemple.

LES SIGNES DE SANG ET D'ENCRE

Les Sages ont souvent rapproché deux choses apparemment éloignées, le sang et l'encre. Lorsqu'il est contenu, le sang permet de vivre et de rêver, mais répandu, il signifie la mort. En revanche, répandue, l'encre permet de consigner par écrit l'expression de la vie et de la rêverie, et, contenue, elle est l'image du silence et du sommeil, proche de la mort.

En hébreu, le sang "dam", dalet/mém, est à l'origine du mot "demout" ou ressemblance ou imagination, ou d'une façon plus générale, l'imaginaire ou l'instinctif. L'encre est "dyo", dalet/yod/ waw, équivalent à la lettre "yod". L'encre ou l'écrit est le résultat d'une réflexion rationnelle et il dessine un graphisme ou une image, en donnant des sens aux signes et à leur assemblage.

D'un côté, avec le sang, on a le signe intangible de l'imaginaire, pouvant aller jusqu'à l'illusion et, de l'autre côté, avec l'encre, on a la marque tangible et bien réelle du signe dessiné ou de la lettre écrite. En poussant à l'extrême cette rhétorique et en inversant les deux propositions, on peut dire que les limites extrêmes de l'imaginaire ou de la raison sont morbides, puisque le sang rouge répandu vire au noir et à la mort, et que l'encre noire contenue et non répandue dans le signe, est une feuille blanche et muette.

Sur le plan psychique, il s'agirait d'une vision intérieure, celle du "Soi", qui intègre la dualité réversible du sang, image de l'imagination, de l'instinct et des pulsions, appelée "imago", et de l'encre, image de la raison, de la sagesse et de la maîtrise de soi, appelée "intellectus agent". L'essentiel pour Aboulafia est de parvenir à connaître leur essence par des preuves rationnelles, de distinguer entre leurs deux manières d'être, de comprendre le grand fossé qui les sépare, de savoir si toutes les deux ne sont qu'une même réalité, ou deux réalités combinées, si elles sont séparables ou si elles ne peuvent être séparées... "Or, ce n'est qu'en voyant leur combat en notre coeur que nous connaîtrons qu'elles sont deux et qu'elles agissent l'une sur l'autre, l'une en fonction de l'autre, et c'est pourquoi, il est un temps pour celle-ci et un temps pour celle-là, et pour le moment ce n'est qu'un petit point indivisible, et qui dure moins qu'un clin d'oeil.."

LES ANGES SONT EN SERVICE COMMANDÉ

Les anges sont des messagers divins, incorporels et psyc

hiques, constitués d'une matière éthérée pour certains, de feu et d'eau pour d'autres; ils se situent aussi bien du côté de la rigueur que du côté de la miséricorde, du côté du mal et de la domination que du côté du bien et de l'abnégation.

Ces derniers ont été créés le premier jour de la création, le jour de la séparation de la lumière et de l'obscurité. Les premiers sont nés le deuxième jour, lors de la séparation des eaux et de la création de l'univers.

Les anges sont généralement immortels mais imparfaits. Ils connaissent l'avenir à court terme; leur mission est temporaire, ponctuelle, précise et limitée. Ils apparaissent dans un songe, un rêve ou une vision et prennent l'aspect d'un homme, souvent celui d'un être ailé, rarement celui d'un animal. La Tradition les décrit comme des êtres "sans articulation", incapables de plier le genou, pour dire qu'ils sont des émissaires en service commandé, accomplissant leur mission comme les soldats d'une armée, d'un corps organisé hiérarchiquement.

Les anges sont chargés de garder les sept palais qui entourent le Trône de Gloire et de veiller sur celui-ci, pour maintenir à distance les âmes non préparées qui souhaitent y parvenir. L'archange "Métatron" vérifie le niveau de préparation et procède au complément d'enseignement.

Les anges louent Dieu tous les matins et, dans ce sens, ils sont les concurrents des hommes.

Mais la mission la plus importante est de faire le lien entre l'Unique et l'univers en transmettant des messages et des informations dans les deux sens: ainsi d'après la Tradition, l'archange Michaël, qui est chargé de veiller sur Israël, parcourt le monde en un seul bond. L'archange Gabriel, préposé aux songes, parcourt le monde en deux bonds. Elie, ange apparaissant comme prophète sur terre, fait quatre bonds pour annoncer la bonne nouvelle à l'homme et l'aider dans son parcours terrestre. Quant à l'ange de la Mort, il fait huit bonds.

LES ANGES ET LES LETTRES

Les lettres sont des signes qui s'organisent en mots, phrases, paragraphes, chapitres, livres.... Les voyelles donnent "une âme" à ces signes: grâce à elle on peut prononcer des mots qui ont un sens. Ainsi on passe de l'écrit "sepher" (livre) au vocalisé ou raconté ou récité "sipour" (histoire ou mythe). A un niveau plus élevé, des signes particuliers font chanter des phrases pour leur donner un sens plus nuancé ou les faire vibrer en une âme supérieure. En allant plus loin et à un niveau différent, en donnant une valeur numérique aux signes, on peut les combiner et les permuter en un nombre presque infini de mots. Ces combinaisons et ces permutations génèrent des mots et des sens nouveaux, des liaisons imprévues, des rapprochements de pensées intimes qui sondent les profondeurs de l'être, font rêver ou bondir d'une conception à une autre ou permettent de s'évader vers des horizons que certains qualifient d'angéliques.

La Torah écrite révélée appelée "sepher" a engendré la Torah orale ou "sipour" puis, grâce au nombre "mispar" et à la combinaison de lettres appelée "tsérouf", elle atteint le niveau du décodage par l'homme: l'élargissement de l'écrit vers le prononcé, le chanté puis le compté et le combiné est un processus de rapprochement de l'humain et du divin; peut-être aussi pour une meilleure connaissance mutuelle, à travers des lettres devenues anges ou des anges devenus lettres. Les lettres se détachent, se retournent, se rassemblent puis s'éloignent dans une danse ressemblant à une farandole. Leurs associations fugaces ont des tons et des rythmes multiples puis tout d'un coup une harmonie de sons et de sens se déploie et scintille: on se trouve devant un chant de signes.

Albert SOUED - janvier 1989

Conférence suivante: les voyelles sont des âmes

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