TRIBUS PERDUES ET RETROUVEES

 

Les Juifs de Kaifeng

 

Premières traces connues

 

On a découvert deux fragments de documents attestant une présence juive en Chine dès le 8ème siècle. Ils ont été découverts à Khotan en 1901 dans le Turkestan chinois, aujourd'hui appelé la province occidentale du Sinkiang: un document commercial perse en script hébreu datant de 718, et un document plié contenant le texte d'une prière en hébreu carré.

Les visiteurs Juifs de la Chine sont venus soit par la voie de terre venant de Babylonie ou de Perse, en suivant "la route de la soie", soit par voie maritime à partir de Basra, en suivant la voie des envahisseurs musulmans; empruntée également par les pirates, cette route aboutit soit à Canton, soit à Zaytoun (Quangzhou), Hangzhou et Ningpo, sans doute dès le septième siècle.

On a la trace d'une rébellion à Canton en 878/9 où 120 000 étrangers auraient été massacrés, notamment des Musulmans et des Juifs.

Nous avons la trace de stèles à Bien Lang (Kaifeng) témoins d'une présence permanente de Juifs dans cette ville, du moins depuis la construction d'une synagogue (1163) jusqu'à sa disparition (1850/66).

Plus tard, à l'époque de l'invasion mongole de Kublai Khan au 13ème siècle, nous avons les témoignages de voyageurs tels que Marco Polo ou Jacob d'Ancône rapportant la présence de communautés juives importantes aussi bien à l'intérieur de la Chine que dans les ports côtiers. Mais il semblerait que ces communautés aient disparu soit par assimilation, soit par conversion à l'Islam. On a la trace de 3 décrets chinois, l'un datant de 1329, taxant ceux qui pratiquaient une religion monothéiste (juifs, chrétiens et musulmans), un autre de 1340, interdisant le lévirat, considéré comme une abomination et un dernier de 1354, appelant Juifs et Musulmans à la capitale pour s'enrôler dans l'armée impériale.

 

Les Juifs de Kaifeng

 

Sous la dynastie Sung en déclin, l'empereur de Kaifeng, capitale du Hunan, invita au 9ème siècle un groupe d'un millier de Juifs perses à s'installer chez lui afin de promouvoir la filature, le tissage et la teinture du coton, devant une grande pénurie de fibres de soie.

Des inscriptions en chinois et en hébreu sur deux stèles, datant de 1489, 1512, 1663, 1669 témoignent d'une présence constante d'une communauté juive à Kaifeng et de l'édification d'une synagogue de forme originale dont des images et des maquettes existent dans de nombreux musées (Musée d'art juif à Paris, Bet Hatefoutsot à Tel Aviv…). Ces stèles se trouvent aujourd'hui au Musée municipal de Kaifeng.

La communauté juive à Kaifeng culmina sous la dynastie des Ming entre 1368 et 1644 et aurait atteint la dimension de 5000 âmes. Un empereur Ming décréta que les Juifs porteraient seulement 7 prénoms afin qu'on puisse les identifier: Ai, Gao, Jin, Li, Shi, Zhang et Zhao. Il y a lieu de noter que Shi signifie Pierre et que Jin a le sens d'Or.

D'autres attestations de la présence juive proviennent de missionnaires jésuites tels que Matteo Ricci (1605). En 1722, le missionnaire Jean Domenge note un grand degré d'assimilation des Juifs aux coutumes chinoises. La synagogue ressemblait à un Temple chinois et s'appelait "le Temple de la Pureté et de la Vérité". En 1724, l'empereur Yong Zheng ayant interdit le prosélytisme chrétien, on est resté sans contact avec cette communauté jusqu'à la fin du 18ème siècle.

L'assimilation aidant, la communauté de Kaifeng disparut avec son dernier rabbin et la destruction de sa synagogue par une inondation au milieu du 19ème siècle. Malgré qu'ils continuaient à pratiquer la circoncision et à suivre certaines règles de pureté, avec la pauvreté environnante, le Juifs de Kaifeng vendirent jusqu'à leurs rouleaux de Torah à des missionnaires protestants (1).

 

Aujourd'hui on croit savoir qu'il resterait entre 200/300 descendants de ces Juifs, mais qui ne se connaissent pas entre eux. Néanmoins le passage de touristes et de curieux aurait tendance à faire revivre d'une certaine manière ce groupe perdu. Ainsi, tous les visiteurs vont voir la plaque rue du Sud de "l'Ecriture qui instruit" (South Jiao Jing Lane), indiquant la présence de cette fameuse synagogue, dont une maquette est détenue par la famille Zhao Pingyu.  Par ailleurs Shi Zhongyu (81ans) cherche à recenser les us et coutumes de cette communauté particulière. Shi Ley 25 ans étudie le Judaïsme et l'hébreu à l'université Bar Ilan à Ramat Gan. Certains chinois de Kaifeng commencent à se pencher sur leur généalogie…

 

À Pâque les Juifs de Kaifeng avaient l'habitude de tamponner le montant de la porte d'entrée avec une brosse imprégnée d'un liquide rouge, mélange de sang d'un coq immolé et d'eau. Plus tard ils ont fabriqué des gâteaux sans levain. Les offrandes de viande ne sont pas de porc contrairement à celles des autres chinois. La descendance est patrilinéaire. Ils jeûnaient quatre fois par mois….Aujourd'hui les Chinois peuvent avoir la mention "yahoudai" ou juif sur leur passeport s'ils le souhaitent.

 

Albert Soued -  10 mars 2003

 

(1) ces rouleaux se trouvent à la Bibliothèque Klau de la Hebrew Union College de Cincinnati.

 

Sources

Encyclopedia Judaica.

Hadassah Magazine – vol 69/1- aout-septembre 1987

Jerusalem Post du 23-11-2001

Les Cahiers du Judaïsme n°10

 

 

Voir:

Musée municipal de Kaifeng

Institut sino-judaïque de Palo Alto ou www.sino-judaic.org

Association d'études judéo-chinoises http://servercc.oakton.edu/~friend/chinajews.html

Arimasa Kubo, écrivain japonais, remnant@mte.biglobe.ne.jp reprenant les écrits de l'ex-rabbin de Tokyo Rav Marvin Tokayer

Organisation "A'mi-shav" ou "Mon peuple revient" de rav Elyahou Avih'ayil.

 

Lire:

Pearl S Buck : Peony

Jacob d'Ancona : la Cité de Lumière – Fayard (texte de David Selbourne)

 

Voir aussi le texte sur la tribu Chiang Min

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