LES SYMBOLES DANS LA BIBLE

LE SENS CACHÉ DES LETTRES HÉBRAÏQUES

La dix-septième lettre de l'alphabet vient des lèvres dans un puissant souffle vers l'extérieur.

De forme arrondie, vaguement spiralée, elle suggère un discours sans fin, s'alimentant de lui-même. Le dessin d'origine est d'ailleurs en relation avec la bouche puisqu'il en représente un coin. Pé est un signe manifestement lié au verbe, qu'il ait un sens ou non.

D'après la Qabalah, Pé a une dent à sa partie inférieure, une dent qui réduit les forces cachées de l'Autre Côté. Ces forces néfastes sont représentées par le mot "péraa'" ou pé-resh-a'yin qui a pour sens désordre, notamment dans la tête et dans les idées, et qui a donné un dérivé, le mot pharaon. Ce même mot se décompose en "pé" et "raa'" ou bouche du mal ou le verbe malin. La dent réductrice sépare le bien des écorces du mal, pour pouvoir dégager les étincelles de la lumière originelle, les trente-deux sentiers de la Sagesse.

Le sens du signe "pé" est la bouche: c'est par le baiser de la bouche que sont révélés les secrets les plus intimes. Le verbe peut créer par les idées et les notions nouvelles qu'il transmet de proche en proche. Le verbe est un véhicule essentiel aussi bien de la parole vraie que du mensonge et de la diffamation. La bouche peut filtrer dans le temps et l'espace les idées essentielles en les dépouillant des scories inutiles, ou charrier les amalgames les plus sordides.

Pé a aussi le sens de "po" ou ici, une présence immédiate. Sur le plan mystique, il suggère la présence du divin dans la parole énoncée.

"Pen" ou pé-noun est la face divine ou "la bouche de Noun", le verbe primordial. Le Prince de la Face est une figure courante du mysticisme juif qui aurait le sens de celui qui transmet, par la parole, le savoir ancien oublié. Inversement "pen" est aussi la profondeur et l'intériorité d'une connaissance secrète ou oubliée.

"Par" ou pé-resh est le taureau. "Pé" est la bouche, "rash" est pauvre: quel rapport y a-t-il entre la "bouche pauvre" et le taureau? La majorité des mots à base de "pé-resh" suggèrent le bouillonnement d'instincts mal maîtrisés, la destruction aveugle, voire la folie. Quand la violence ou plus simplement la colère ou la jalousie s'expriment, la "bouche est pauvre", en ce sens que la parole émise n'a ni sens, ni essence. D'un autre côté, lorsque la parole est inexprimable ou ne peut s'exprimer, on retrouve la même violence, le même bouillonnement.

Pé est une lettre redoublée et ouverte en finale. Sans le point intérieur, elle est Phé, légère et éthérée et donne des mots comme "sépher", le livre ou "séphirah", la sphère d'un attribut divin. Avec le point intérieur, elle est "pé", insistante et précise, comme dans "sipour", l'histoire, et dans "mispar", le nombre. Ouverte en finale, elle ressemble au signe Khaf ouvert, avec une tête plus enveloppée, mais elle a perdu la dent inférieure, donc la possibilité de réduire comme dans "kanaph" ou kaf-noun-phé, l'aile ou "oui, la bouche": la parole est comme l'oiseau, le discours, un battement d'ailes.

De même, "tsipor" ou tsadé-pé-resh, l'oiseau, est "pé tsor" ou la "bouche du rocher": il y a ainsi une assimilation du verbe à l'oiseau qui s'envole, et de ce fait, il donne une animation à la matière inanimée ou à la force cachée, le rocher. Avant de s'exprimer, Pé reste un mystère.

La valeur de la lettre Pé est quatre-vingt, l'âge de Moïse quand la Torah lui fut donnée au mont H'oreb, le nombre de concubines de Salomon. Le nombre d'ouvriers maçons façonnant la pierre brute est quatre-vingt mille. Le signe Pé final a comme valeur huit cent, confirmant le huit et la dualité du signe.

Pé est un signe duel: de la bouche peut sortir aussi bien la grâce que le péché, aussi bien la chaleur du réconfort que le feu destructeur. La bouche dispense aussi bien la parole vraie que celle qui détruit et ramène le monde au chaos. La bouche close est le secret de l'étoile du Nord ou de la spirale de la galaxie.

TSADÉ

La lettre Tsadé se prononce contre les dents.

Cette lettre a l'apparence d'un appât qui dupe le poisson et de l'hameçon qui permet de le ferrer. Le dessin d'origine est celui d'une plante qui s'ouvre et qui s'épanouit.

D'après la Qabalah, ce signe est composé du signe Yod et du signe Noun: un contenu et un contenant, l'image d'une étoile dans un croissant de lune. Le signe Yod est un point contenu prêt à rayonner, vers le Bas comme vers le Haut. Noun est un récipient limité mais efficace pour contenir une information. Yod est la sagesse d'où a germé l'univers. Noun est ici la Connaissance. Composé des deux signes, Tsadé est l'union de deux pôles, facettes d'une même unité: il a donné le sens qu'on accorde généralement à cette lettre, le Juste ou Tsadiq en ajoutant la lettre Qouf à Tsadé. Sur l'Arbre de Vie, le Juste est au milieu, au niveau du Fondement "yésod", lien entre l'univers créé et son créateur, entre la Torah et le divin. Cet intercesseur est aussi appelé "yinone", yod-noun et, comme la lettre Tsadé, celui qui s'ouvre et qui s'épanouit, le Messie.

Le Juste allie la Rigueur à la Sagesse. Il sait patienter quand il pêche et garde son calme quel que soit le résultat de son entreprise. La Tradition raconte que le grand poisson ou Léviathan sera le repas des Justes aux temps messianiques. A cette époque le Juste aura assimilé Yod, c'est-à-dire la Torah mais aussi "Noun", la connaissance primordiale et universelle, alors retrouvée.

Un autre sens de la lettre Tsadé est côté, latéral, celui qui reste sur la réserve et qui ne s'engage qu'à bon escient, le pêcheur en attente de ferrer son poisson.

La valeur de la lettre Tsadé est quatre vingt-dix, celle de Tsadé final neuf cent, confirmation du neuf. Quatre-vingt-dix est l'âge de Sarah quand elle a enfanté Isaac, résultat de la fin d'une stérilité prolongée. Les premiers hommes célèbres ont vécus l'âge vénérable de plus de neuf siècles (Adam, Noé…)

La lettre Tsadé incite à la réflexion, à la maturation et au changement d'attitude. Elle incite aussi à la patience afin de saisir le moment opportun à l'expression et à l'épanouissement.

 

Albert SOUED - décembre 1989

Prochaine conférence: les lettres qouf-resh

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