INITIATION AU ZOHAR ou LIVRE DE LA SPLENDEUR
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La Colère selon le Zohar
La Bible
La colère s'exprime dans la Bible par une dizaine d'expressions, plus de 500 citations et plus d'une vingtaine d'entre elles sont des proverbes condamnant cette émotion et ses conséquences.
Nous allons nous limiter à six expressions significatives qui illustrent cette humeur fréquente de l'homme biblique, mais qui marque aussi la limite extrême de la patience divine devant la perversité de l'homme créé. Le Jour du Jugement dernier est lui-même désigné par l'expression "Jour de la colère de D." ou "Yom af adonay".
Par ordre de fréquence décroissante, nous avons l'expression "af" ou le nez, la face, le nez étant au milieu de la face. La colère s'exprime par le tremblement du nez, et le nez est l'exutoire d'une humeur qui "monte"; dans les deux cas "on en perd la parole" (al pé). La première expression de la colère biblique ne s'exprime pas par "af" mais, comme on le verra ci-dessous par "h'ar" (pression intérieure), suivi par "nafal pano", son visage est tombé (soit il a été démasqué devant D., soit son visage est déformé par la colère, avec pâleur et tremblement). Il s'agit de la colère de Caïn dont l'offrande n'est pas agréée par D. et cette colère est le prélude au premier meurtre, puisque Caïn va tuer son frère Abel.
Mais revenons à "af" proprement dit. La première expression contenant "af" dans la Bible concerne la colère d'Esaü vis à vis de son frère jumeau Jacob. Elle est exprimée par leur mère Rébecca qui craint la colère se son aîné Esaü qui vient de perdre son droit d'aînesse, l'ayant "vendu pour un plat de lentilles". Elle conseille à Jacob de s'éloigner de son frère, pour ne pas subir les conséquences de sa colère (Genèse 27/45 & 30/2).
De même la première colère divine est celle qui concerne la ville perverse de Sodome qui va être détruite; cette colère est exprimée indirectement par l'expression "h'ar", comme on le verra plus bas. La première colère divine avec "af" concerne Moïse qui refuse d'aller parler à Pharaon, sous prétexte qu'il bégaie, préférant que cela soit son frère Aaron plus loquace qui le fasse. D se met en colère dans Exode 4/14.
La colère "af" abonde surtout dans les Prophètes.
La deuxième expression pour désigner la colère est "hémah", la chaleur biliaire qui veut dire qu'une personne est acculée, à bout de nerfs, le dos au mur. La première colère humaine dans la Bible avec le mot "hémah" concerne toujours Esaü, dans Genèse 27/44. La première occurrence de la colère divine est relative à la débauche des fils d'Israël avec les filles de Moab, avant leur entrée à Canaan et ensuite elle cpncerne à Pinh'as qui a détourné cette colère dans Nombres 25/11.
La troisième expression est "qetsef" ou la rage, à la limite de la parole. Les premières occurrences bibliques concernent la colère de Pharaon contre ses ministres qu'il soupçonne de complot et qu'il jette en prison ( Genèse 40/2 & 41/10); alors que la colère divine est provoquée par le non respect du service du Temple par la Communauté d'Israël (Nombres 18/5).
"H'ar" avec le substantif "h'arone" est une colère explosive libérant une pression intérieure contenue. La première occurrence de cette colère biblique est liée au premier meurtre biblique, Caïn tuant son frère Abel, par jalousie, car D. n'a pas pris en considération son offrande (Genèse 4/5-6). La première colère divine est indirecte, car c'est Abraham qui en parle dans Genèse 18/30-32 et elle concerne la destruction de la perverse Sodome, qu'Abraham veut éviter, car son neveu Lot y habite.
Le mot commun aujourd'hui désignant la colère est "kaa's", une irascibilité due au caractère, à la vexation, à l'anxiété. Son apparition biblique est tardive (Deutéronome), D. se mettant en colère contre son peuple qui vient d'ériger des idoles (Deut 4/25).
"Zaa'm" est une colère faite d'indignation et qu'on ne trouve que dans les Psaumes ou les Prophètes.
D'une manière générale, la colère fait traverser à l'homme ses "limites" et il devient "autre" (étrange ou passant dans le domaine du démon). On appelle aussi la colère "é'vrah" ou traversée, l'homme passant de l'Autre Côté, vers le Mal.
D'après les enseignements des maîtres apparaissant surtout dans le Talmud, la colère mène à la transgression des commandements, à l'opacité dans le jugement, à la démence, à la pauvreté et à l'esclavage (on dépend de son mauvais penchant et d'autrui).
Dans Shabat 30b, on conseille d'être patient et aimable comme Hillel et ne pas ressembler à l'irascible Shamay, Hillel et Shamay étant deux maîtres qui commentaient différemment l'Ecriture. Dans Shabat 105b, est un idolâtre tout homme qui entre dans une rage de colère et qui déchire ses vêtements, casse sa vaisselle, ou jette son argent, car il est la proie de la pulsion du mal.
D'après Pessahim 113b, il y a trois types d'hommes qui vivent sans vivre, celui qui a une trop grande compassion, celui qui est sujet à la colère et celui qui est extrêmement méticuleux. D'après Erouvim 65b, on discerne le caractère d'un homme selon ce qu'il boit, ce qu'il donne comme pourboire et selon son humeur.
Lors de la création, la "colère" est née le 2ème jour, avec les forces du mal, quand les eaux se sont séparées, avec force et violence. Et l'enfer réussit à s'introduire dans la béance, avant que le Ciel n'apparaisse. Dans l'univers, comme dans l'homme, l'excès de rigueur est la source du mal. Il en est de même de l'excès de miséricorde qui entraîne fatalement l'excès de rigueur et le passage vers l'Autre Côté. Tout déséquilibre important ou permanent entre la droite et la gauche (Voir Arbre de Vie) entraîne le basculement dans le Mal.
L'excès de rigueur (la gauche de l'Arbre de Vie) entraîne la discorde, la colère, et l'apparition des forces de l'ombre. On n'obtient une harmonie que par l'équilibre entre la rigueur et la miséricorde. Lors de la création, l'apaisement de la colère intervient le 3ème jour, et les forces de l'ombre s'éloignent alors. Ce jour se situe au milieu de l'Arbre de Vie, sur la colonne centrale. À titre d'exemple, l'excès de zèle de Korah' pour le service du Temple a entraîné la colère de Moïse. Korah' a exagéré, car il était mû par une funeste volonté de pouvoir qui l'a entraîné vers l'abîme.
Pour le Zohar, une querelle entre gens lettrés pour une meilleure connaissance de l'Ecriture pourrait entraîner une colère: cette colère est particulière, et elle est considérée comme une "colère d'amour", permettant à la pensée de progresser.
Les deux types de colère ne sont pas de même nature, celle qui est "maudite" provient d'un orgueil démesuré et de la volonté de pouvoir; elle cause la mort dans ce monde. La colère "bénie" provient à l'opposé d'un désir sincère de vérité et elle entraîne un progrès dans la connaissance. Toutes les deux sont issues de la rigueur, l'une s'éloigne vers le bas en dégradant tout sur son passage, l'autre monte vers le haut en se sublimant en enthousiasme et en passion créatrice.
D'après le Zohar, la colère non contenue déclenche les forces du Mal et mène à l'idolâtrie, à l'éloignement du divin, à l'inceste, à la destruction de la famille, au meurtre et à l'éloignement de la conscience (folie). Il faut éviter de fréquenter un homme colérique, qui s'enflamme vite, car il risque de traverser les limites, sombrant dans le Mal et l'idolâtrie à cause de ses paroles.
Le foie est le siège de la colère et sa manifestation est la pâleur du visage. Les deux expressions de la colère en hébreu, "af" et "hémah" sont des noms de démons, au même titre que l'injustice.
La colère divine devant l'humanité perverse et les "actes impies" des hommes peut être apaisée par l'encens, par une prière sincère, par la repentance, par l'intercession d'un Juste dans sa génération (cf Moïse), par le quasi-sacrifice (Yonah, Isaac).
Sources: Genèse 17a, 23b, 67b, 68a/b, 107a, 201a – Exode 71b/72a, 85a, 182 a/b, 184b, 185a, 193b – Nombres 177a/b, 191b.
Albert Soued – 9 novembre 2003
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